dimanche 28 novembre 2010

Psych-out à Berlin

























Je me perds dans le roman baroque de Thomas Pynchon, Vente à la criée du lot 49, et je découvre avec un curieux effarement que la réalité a des airs pynchoniens. Tel ce restaurant de Berlin, au mauvais goût exquis avec peintures rupestres, vieux gramophone posé sur un frigo Afri-Cola, guirlande en pelouse plastifiée, rondins de bois, têtes de bouddha et fleurs séchées...Descente vers Dönerstadt (Kreutzberg) dans un semi-clandé tenu par un français grimé comme Pierrot le fou. Bottle up, fill my cup ! Le shot de vodka à 1 euro. Ça balance sous les crânes. Au sous-sol une mini piste de danse pour sauter dans tous les sens. Je m'intéresse à Pierrot le fou « Tu es arrivé quand à Berlin ? ». « Il y a huit ans » me dit-il, « Qu'est-ce que tu venais faire à Berlin ? » , « J'écrivais un livre sur Klaus Kinski », « Tu l'as terminé ? » , « Bientôt... ». Bienvenue à Berlin, la cité de l'insoutenable légèreté de l'oubli. Vous vous réveillez 10 ans après, vous n'avez rien fait, et vous ne vous souvenez plus de ce que vous avez fait une semaine avant... Une fille se pose au bar à côté de moi. Quelques shots de vodka. Discussion tranquille puis à brûle pourpoint elle me lance : « On y va ! », « On va où ? ». La fille se lève et s'en va pendant que je me verse quelques vodkas de plus. « Berlin c'est la ville du cul, pas la ville de la séduction ! Me susurre David». Dérive apocalyptique dans un appartement avec des hommes en débardeurs et en masques d'animaux. La ville monstre tournoie, je m'accroche à mon fauteuil. J'ai une impression de Festin nu. Ma vodka à comme un goût de cafard. C'est Psych-out et jus de tarentules. Je vois des choses que je ne dois pas voir. Des couples de chamans se roulent des pelles. Des bêtes à deux ou trois dos. Le Docteur Moreau et le docteur Mabuse sont-ils de retour à Berlin ? L'œuf du serpent... On aperçoit sous la fine membrane de la ville grise, la forme naissante du reptile. Je suis dans le Gruselkabinet, le bunker des horreurs. Évanouissement paradoxal et réveil en after-hours. Je cours dans les rues de Kreutzberg, je ne sais pas ou je suis. Un taxi s'arrête. L'homme ne dit rien, il a l'air inquiet. J'escalade les derniers cinq étages, et me jette devant un miroir. Par Cronenberg et tous les damnés de la terre, je ressemble à Vittorio Gassman dans âme perdue, un visage grimé de peintures barbares... Un visage aux yeux fous...

Chronique #33